L'importance de l'opinion publique devient cruciale durant les périodes de campagnes électorales. Depuis le dernier quart du XXe siècle, elle est fréquemment mesurée à l'aide de sondages d'opinion, le plus souvent effectués à la demande des partis politiques, des leaders ou des gouvernements. Dans leur grande majorité, ces sondages ne sont jamais rendus publics.
On se contente souvent de mentionner qu'elle a vu le jour avec la philosophie du Siècle des Lumières, mais l'opinion publique fait l'objet de nombreuses réflexions dès l'Antiquité grecque. Le philosophe Platon inaugure un jugement devenu traditionnel à son sujet en condamnant l'opinion publique (doxa vulgus) pour sa versatilité, sa trop grande sensibilité et sa superficialité qui la livrent en pâture aux sophistes formant les hommes politiques d'alors aux manipulations argumentaires.
Mais avant lui, l'œuvre d'Homère et celle d'Archiloque se disputaient les références morales et politiques alimentant les opinions du peuple grec sur la base de deux traditions culturelles profondément antinomiques opposant les images désacralisantes aux représentations distinguées, notamment à travers les fables animalières,les caricatures et la culture de l'injure .
Cette opposition qui nourrit l'aspiration à faire valoir l'opinion populaire contre le jugement aristocratique a peut-être joué un rôle sous-estimé dans le surgissement de la démocratie athénienne. Laquelle ne s'est pas seulement édifiée sur une infrastructure esclavagiste et à échelle humaine mais aussi sur le sentiment d'une légitimité du grand nombre. La profonde division entre les deux grandes conceptions de l'opinion publique sera particulièrement palpable dans la tradition littéraire et philosophique passant par Rabelais (illustrée dans son œuvre par les relations conflictuelles de Panurge et d'Epistemon,ainsi que par les pertinences du folklore qu'il recueille)et les auteurs qui, jusqu'à nos jours, défendent la pertinence des figures populaires et du désir incarné. La notion d'opinion publique sera aussi communément associée, en France, avec les mouvements d'opinion qui ont émergé dans les dernières années de l'Ancien Régime.
En fait, elle a pris une place considérable depuis le XVIIIe siècle avec la Révolution française et, plus largement, avec la démocratisation des institutions occidentales, même si de tout temps elle est liée à la vie en communauté. L'avènement de la République et celui du suffrage universel en ont fait un acteur de principe. Aujourd'hui, l'opinion publique est une donne inéluctable des gouvernements soucieux de fonder leur domination sur un minimum de légitimité apparente, quels que soient le régime et le degré réel de démocratie.